Richard Strauss – Inspiration musicale « Ainsi parlait Zarathoustra »

Pour la réalisation de son œuvre picturale "Ainsi parlait Zarathoustra", Bernard Bouin a commencé par l'écoute de l’œuvre de Richard Strauss "Ainsi parlait Zarathoustra", elle même inspirée de l’œuvre de Nietzsche.

Vous retrouverez ci-dessous des textes, sélectionnés par Bernard Bouin, concernant Richard Strauss.

 

Lettre de Glenn Gould à M. Leonardo Bernstein New York City le 13 décembre 1961

[…] De mon côté, j’ai bernsteinisé dans toutes sortes de directions et viens d’écrire un plaidoyer monumental en faveur de mon héros de toujours, Richard Strauss.

Mes vues seront exposées à l’opinion publique dans le numéro de mars de High Fidelity. Elles feront s’écarquiller bon nombre de sourcils, mais il fallait que cela soit dit.

Cela, c’est le fait que j’ai la conviction que Strauss est de loin la plus grande figure de la musique du XXè siècle […].

 

Richard Strauss, le courage d’être seul par André Tubeuf *

Il fut pourtant ce marginal, outsider, Aussenseiler, travaillant à maintenir l’écoute de l’héritage mozartien dans un monde qui, à force de bruit et de fureur, n’en voulait plus et, bientôt, ne saurait plus. Strauss a d’abord montré, et à son heure, en quoi il était moderne (et en avance) : ensuite il n’a plus songé qu’à aller au bout de son propre programme, et il y est allé seul, indifférent à l’évolution des autres, douloureusement fermé aux tourmentes de l’Histoire.

*Offrande musicale Editions Robert Laffont.

 

Richard Strauss, homme de grande culture par Geneviève Deleuze*

Entre vingt et trente ans, Richard Strauss lut Shakespeare, Schopenhauer, étudia Nietzsche de près.

« On ne pouvait pas toujours suivre tous les sujets de conversation de Strauss : il fallait être aussi fort en littérature qu’en musique pour pouvoir rivaliser avec lui. Il connaissait la littérature allemande mieux que tout autre musicien…, il savait Faust par cœur. La littérature russe n’avait pas de secret », selon de témoignage de Karl Böhm…Les visions poétiques des textes de Nietzsche lui offraient « un grand plaisir esthétique », écrit-il dans une lettre adressée en 1946 à Martin Hürlimann.

« En lisant Schopenhauer, Nietzsche ou un livre d’histoire, il m’arrive d’éprouver le désir irrépressible de me mettre au piano », écrit Richard Strauss en 1895 dans sa réponse au questionnaire que lui a adressé l’écrivain Friedrich von Hausegger sur la nature de sa création artistique.

Voilà donc la première source d’inspiration du compositeur, un texte littéraire.

On sait qu’un poème symphonique, Tondichtung, est une composition pour orchestre en un seul mouvement, élaborée à partir d’un élément étranger à la musique d’ordre poétique, descriptif, légendaire, philosophique.

« Dans ma pensée, j’ai bien voulu exprimer, jusqu’à la fin de la Symphonie (lapsus de Strauss !), l’impuissance du héros à se satisfaire, ni par la religion, ni par la science, ni par l’humour en face de la nature », déclara Strauss à Romain Rolland.

Strauss, bien que capable de discuter pendant des heures de l’enseignement de Zarathoustra, n’a jamais envisagé de faire de son poème symphonique un traité de philosophie.

La structure du poème symphonique

Données de base du poème symphonique de Strauss : la puissance sonore, des antagonismes pharamineux, une jubilation dionysiaque.

La structure de l’œuvre musicale est issue du texte de Nietzsche. Strauss choisit huit des titres de chapitre d’Ainsi parla Zarathoustra qu’il organise en quatre épisodes musicaux suivis chaque fois d’un développement thématique qui peut être considéré comme un conséquent de la période précédente, son corollaire en quelque sorte.

Antagonisme des tonalités, antagonisme des éléments thématiques

S’opposent d’emblée deux tonalités : Do Majeur symbolique de la Nature, Si Mineur symbolique de l’Esprit humain.

L’antagonisme des tonalités est développé par celui du matériau thématique qui semble issu essentiellement de deux éléments, le Do-Sol-Do, en Do Majeur, le thème de La Nature, de l’Univers qui débute l’œuvre et celui de l’Homme, de l’Ame Humaine en Si Mineur, exposé au début du premier épisode. Diatonisme réduit à deux notes pour le premier, chromatisme en devenir dans la mélodie du second ; Tous les motifs en arpèges dérivent du premier, tous les motifs chromatiques dérivent du second.

« J’ai simplement voulu montrer qu’il est impossible de réunir Si mineur et Ut majeur. L’ensemble de la pièce se livre à une démonstration de toutes les tentatives possibles, mais cela ne marche pas. Voilà tout ! » (Richard Strauss au Dr Anton Berger en 1927)

Le plan harmonique de l’œuvre, complexe, annonce la destruction de la tonalité.

Les dissonances sont irrésolues et Ut et Si organisent autant qu’ils déstabilisent.

Les épisodes s’enchainent par association des idées musicales, par leur dissolution, déconstruction souvent accompagnée d’une diminution de la sonorité ou au contraire de son exaspération liée à celle de l’écriture, art consommé de la métamorphose, de la mystification qui donne une signification opposée aux mêmes motifs.

Une écriture symphonique virtuose

Virtuosité du traitement thématique, des contrepoints, écriture symphonique somptueusement délirante, qui considère pourtant chaque pupitre comme un personnage collectif et chaque instrumentiste comme soliste, virtuosité qui autorise à concevoir Ainsi parla Zarathoustra comme un concerto pour orchestre.

« Zarathoustra est magnifique, de loin la plus importante de mes œuvres, la plus parfaite de forme, la plus riche de contenu et la plus personnelle de caractère.[…] Le thème de la passion est irrésistible, la fugue à vous faire froid dans le dos, le chant de la danse simplement délicieux. Je suis au comble du bonheur.[…] Je suis un homme heureux après tout » - Richard Strauss dans une lettre adressée à Pauline, son épouse, le 27 novembre 1896 à la fin de la générale avant la création.

* Opéra et Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon.

 

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