Propos de Bernard Bouin

Je commencerais par cet aphorisme de Friedrich Nietzsche qui exprime si bien ma position d’artiste…

 

Aphorisme 342 du voyageur et son ombre de Friedrich Nietzsche

Dérangements du penseur.

« Tout ce qui l’interrompt dans ses réflexions (le dérange, comme on dit), le penseur doit le regarder paisiblement comme un nouveau modèle qui entre par la porte pour s’offrir à l’artiste. Les interruptions sont les corbeaux qui apportent sa nourriture au solitaire ».

Friedrich Nietzsche - Le voyageur et son ombre.

« Quiconque aspire à quelque liberté de penser, doit se priver pour un long temps du droit de se sentir autre chose qu'un errant sur la terre. Je ne dis pas un voyageur, car l'homme qui voyage se propose un but final. Or un tel but n'existe pas. L'errant doit bien observer, tenir ses yeux bien ouverts sur le train du monde ; il doit donc interdire à son coeur toute attache un peu forte aux choses particulières, et toujours maintenir en lui cette humeur de vagabond, qu'amuse tout ce qui change et passe ».

Traduction Henri Albert Editions Mercure de France

 

Je voulais en 1990 parler de l’humain et de son quotidien le plus banal, la réalité…

Scènes de personnages dans les rues, sur les quais de gare dans des appartements avec vue sur la rue sous l’influence stylistique des primitifs italiens, Piero della Francesca, Masaccio…

L’œuvre des Saisons de Nicolas Poussin s’est vite imposée à moi comme une référence majeure et essentielle.

Le lien de l’homme avec la nature, la complexité du sens de cette œuvre avec ses références classiques et littéraires (La Bible, le Nouveau Testament, les Grecs anciens…), l’intemporalité de ce message, l’idée du temps. Je me suis amusé à créer des séries dans cet esprit (voir les ensembles) avec des scènes de la vie quotidienne où les personnages sont ensemble et seuls…

Vers 1995, j’ai abordé le sujet de la nature morte dans le même esprit : simplicité, silence et réalité. Ce qui m’intéressait, c’était le lien entre les objets, le plus souvent un petit pot en grès blanc que m’avait donné ma mère ou un ramequin cannelé, avec les fruits ou les légumes, le tout placé dans un espace presque virtuel ou mental. Même vide et même lien entre les objets. Séparés et on est ensemble, cette phrase de Stéphane Mallarmé que je devais découvrir beaucoup plus tard dans « Le nénuphar Blanc » lors de mon travail sur L’Après Midi d’un Faune en 2013, résume tout le travail très inconscient de l’époque.

L’Homme et le Monde, l’Homme regardant le Monde comme un miroir de lui-même.

Les toiles sont présentées dans une suite chronologique qui permet de comprendre ma démarche qui est une quête, une errance pour tenir ses yeux bien ouverts sur le train du monde.

 

« L’émotion la plus forte que nous pouvons éprouver est le sens du mystère.

Ce sentiment suscite l’art et la science. Celui qui ne connaît pas cette sensation, qui ne sait plus s’arrêter pour méditer et rester charmé dans une admiration craintive est comme mort : ses yeux sont aveugles ».

Albert Einstein

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